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Date d'inscription : 25/09/2019

Les albums pour la jeunesse un support de médiation par le plaisir et l'échange  par Danielle Empty Les albums pour la jeunesse un support de médiation par le plaisir et l'échange par Danielle

Mer 8 Jan - 21:54
QUELQUES RÉFLEXIONS
       Pour vous, les participants au Café de la Transition Écologique réunis au Thillot-sous-les-Côtes, j’avais souhaité que vous  puissiez, d’abord et à votre gré, plonger dans les illustrations et les mots d’albums que j’avais choisis sur le thème du jour : conflits, médiation adultes et enfants. Et y trouver matière à vous étonner, ou à vous réjouir voire à vous indigner.
C’est que les albums peuvent susciter des émotions véritables –esthétiques mais aussi intellectuelles et affectives- touchant le lecteur dans sa conscience du monde, mais avec cet avantage que les situations  sont mises en scène dans l’espace des pages de l’album, avec des personnes et des aventures de fiction et non dans l’espace et le temps de la réalité. Et pourtant, ils ne parlent (presque) toujours que de la réalité.
Et le conflit est bien une constante de nos réalités.
• Conflits internes, liés aux sentiments (des plus ordinaires et admis… aux plus inavouables)
• Conflits internes liés à la question de l’identité
• Conflits externes, de proximité
• Conflits aux causes très externes mais qui impactent fortement les personnes    
A la fin de ce compte rendu, j’illustrerai chaque domaine de conflit par quelques-uns des albums présentés.

On peut considérer que les albums constituent à la fois en eux-mêmes et par l’usage qu’on peut en faire, un inépuisable réservoir pour ressentir et réfléchir.
Après avoir écouté la lecture et observé les pages de l’album de Marie WABBES « Petit Doux n’a pas peur », un enfant de  4 ans a pu conclure : « C’est pas parce qu’on est petit qu’il faut se laisser faire. » Le texte disait : « Petit Doux a un ami, Gros Loup, qui adore jouer avec lui. Gros Loup le mordille et le caresse partout. Cela chatouille Petit Doux. Cela le fait rire. … Puis il lui fait mal, il lui fait peur ». Malgré les menaces du Grand, le Petit va se plaindre de ces agissements. L’illustration, quant à elle, avec des couleurs de plus en plus sombres et le dessin du corps du loup de plus en plus écrasant, a conforté le sens des mots pour amener un jeune enfant à synthétiser et à affirmer un principe salutaire d’action.
Ressentir et réfléchir dès le plus jeune âge : *ce que, paraît-il, ne permettent pas les échanges sur les réseaux sociaux, premier médium de communication qui  plonge les enfants et adolescents d’aujourd’hui sans mise à distance dans l’émotionnel et la réplique impulsive.  
*Les albums, quant à eux, font ressentir les situations par empathie, mais en les distanciant – univers du merveilleux ou du magique, héros animaux mais à caractères, réactions et soucis humains, dépaysement.
Ça parle de la vie, mais on n’est pas directement en scène. On n’est pas sommé de « liker », c’est l’histoire qui se charge de conclure.

Les albums ont aussi cette particularité d’être un double espace de création, avec ce que permettent d’un côté le langage graphique et pictural et de l’autre le langage des mots. Et comme pour un même album, illustrateur et auteur  peuvent être deux personnes différentes,  le dialogue s’instaure alors entre deux voix qui racontent une même histoire… pouvant aller jusqu’à paraître deux histoires bien différentes.
Dans « Une guerre pour moi », l’auteur Thomas SCOTTO dit avoir raconté, en 1993, l’histoire d’un garçon qui joue à la guerre. L’illustrateur BARROUX, lui, nous montre un monde totalement ravagé où les grands frères entraînent les petits au combat, comme dans ces pays actuels où les enfants sont enrôlés soldats. Cela donne un album très sombre, voire désespérant, au point que Danielle peut demander s’il peut encore être proposé à des enfants.
*Dans « Le géant de Zéralda » de Tomi UNGERER, c’est l’auteur lui-même qui semble dire deux choses contradictoires dans la dernière page. Grâce à la bonne cuisine de Zéralda, l’ogre est devenu végétarien et le texte peut conclure : « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Mais les deux enfants-ogres qui cachent derrière leur dos une fourchette et un grand couteau en regardant le bébé de Zéralda semblent bien avoir hérité des gènes paternels. Rien n’est jamais gagné !
Avec ces deux langages –mots et illustrations- et plus encore que dans toute œuvre littéraire (comme le roman ou la poésie), l’album permet la liberté d’interprétation. Il autorise chaque lecteur à comprendre ce qu’il peut, à un moment donné. Il autorise à revenir sur sa lecture - dans l’immédiat, ou dans 10 jours ou 10 ans plus tard- et à y comprendre d’autres choses. Car un sens peut en cacher un autre, tout aussi légitime !
Ainsi, l’enfant qui réagit à la fin de « Petit Doux » n’a sans doute pas pensé à ce que dénonce le film « Les chatouilles » d’Andréa BESCOND. Mais qu’il s’agisse de viol, de racket  ou d’intimidations dans la cour de récréation, le principe qu’il énonce :- ne pas se laisser faire- est salutaire pour toutes les situations de violence que pourra vivre cet enfant. Et il serait absolument malvenu d’aborder directement avec lui ce
qu’un adulte averti voit évidemment dans l’album : des agissements de pédophile. Là est la liberté de faire le sens avec ce qui est en chacun de nous, à un moment donné.
Les contes traditionnels se prêtent particulièrement à l’exercice de la liberté tant de création que d’interprétation. Pour en témoigner, j’avais apporté plusieurs versions contemporaines du « Petit Chaperon Rouge ».

Version polar pour ado  avec « John Chatterton détective » d’Ivan POMMAUX
Version tornade  avec « Mademoiselle Sauve-qui-peut » de Philippe CORENTIN (une tornade en jupons qui ne s’en laisse pas conter… même par un loup…)
Avec « Un petit Chaperon rouge » de Jean CLAVERIE, on a une version banlieue : « là où avaient prospéré des arbres immenses s’étendait à perte de vue un cimetières de vieilles voitures » tenu par un certain M. Wolf qui, à la fin de l’histoire, change de métier et ne mangera plus que des pizzas.
Dans « Mon Chaperon Rouge », somptueusement illustré par Alain GAUTHIER, l’auteur Anne IKHLET rappelle : « Un conte a plus de mille ans. Tout ce que tu entends n’est pas pour les enfants … et tout ce qui est dit n’est qu’une des pages du grand livre qu’est la vie ».
J’ai personnellement beaucoup relu  « Le loup sous le lit » (Stéphane SERVANT ; illustration Benoît MOBEL), et j’ai fini par ne plus me demander ce que voulait dire l’auteur avec cette phrase du texte : « J’écris des histoires de loups parce qu’heureusement, tout ne peut pas s’oublier. Parce qu’un loup ne meurt jamais. » Je me demande tout au plus quel « loup » j’aimerais ne pas oublier !

Certes, il y a des albums particuliers à différentes tranches d’âge, mais ce que proposent les éditeurs doit rester une indication car un album pour tout-petits peut faire jubiler les plus grands (pour ne pas dire les plus « vieux » !)
Je pense immédiatement à « De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête » (Werner HOLZWARTH, Wolf ERLBRUCH) que plusieurs d’entre vous ont reconnu et re-parcouru mais que personne ne m’a chipé, contrairement à l’habitude… Merci à vous !
Néanmoins, même si des albums peuvent s’adresser à des adolescents, il semble plus difficile de les y intéresser, sauf s’ils sont eux-mêmes en situation de lire à haute voix pour des plus jeunes. Pour eux, Olivier a raison, mieux vaut aller du côté des bandes dessinées.

Cet intérêt transgénérationnel  présente un avantage certain : il permet un authentique partage entre plus grands et plus petits –y compris ceux qui ne savent pas lire-. Partage du plaisir de rire  comme dans la quête de la Petite Taupe, mais aussi de la créativité du langage, de la beauté, de l’originalité des illustrations, partage et confrontation des réactions et points de vue des uns et des autres sur ce qui survient.

L’offre est inépuisable grâce à ce qui s’édite (et se réédite) dans le domaine des albums que de vrais libraires (il y en a à nouveau en Meuse !) peuvent nous procurer. N’oubliez pas non plus les ressources des médiathèques.

*Encore ceci, que j’aurais dû rappeler pour conclure, et qu’une récente expérience confirme : sans notre propre intérêt et plaisir à plonger dans des albums, les enfants d’aujourd’hui, même face à une sélection d’ouvrages adaptés, n’iront pas spontanément vers ces livres. Il y a tellement d’autres activités plus captivantes, à commencer par tous les écrans. Seule la médiation d’adultes convaincus des bienfaits de telles lectures pourrait les y amener encore.

*Exemples ou réflexions que je ne suis pas certaine d’avoir évoqués en direct.





QUELQUES TITRES D’ALBUMS AYANT UN CONFLIT AU CŒUR DU RÉCIT


Conflits internes

• Questions d’identité
….. « Mon double et moi »  de Philippe LECHERMEIER et Stéphane GIREL
Le double parfait du narrateur débarque dans sa vie et assume sans broncher toutes les tâches qui l’insupportaient. À tel point que le personnage devient quasi transparent aux yeux de ses proches. C’est alors qu’il réagit, expulse son double, reprend sa vie en mains et affronte la vie quotidienne avec entrain, corvées comprises.
….. « Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon » de Christian BRUEL et Anne BOZELLEC
A force de s’entendre dire qu’elle est un vrai garçon manqué et qu’elle doit se comporter autrement, Julie « attrape une ombre de garçon ». La même mésaventure survient à un copain qu’on traite de fille… L’échange entre ces deux incompris est salvateur… et a de quoi faire réfléchir des parents.
….. « La louve » de Clémentine BEAUVAIS  et Antoine DEPREZ
On a capturé le petit de la louve : elle jette un sort à la fille du chasseur qui ne retrouvera la santé que si le louveteau lui est rendu. Pour sauver son amie de la mort, Romane endosse la peau du louveteau tué et, perdant progressivement son identité humaine, parvient à se faire adopter par la louve qui renonce alors à sa vengeance.

• Conflits relatifs à des sentiments, à des émotions qui nous agitent
o La peur
….. « La querelle » de Toshi YOSHIBA
Maman éléphant a cru a tort que maman hippopotame menaçait son petit. Elle attaque, est blessée, serait morte sans les pique-bœufs qui nettoient sa plaie. Une méprise due à sa peur qui aurait pu lui être fatale.
o La jalousie
..… « Sur les genoux de maman »  d’Ann Herbert SCOTT et Glo COALSON
Dans la maison inuit, auprès du poêle bien chaud, tout le monde va sur les genoux de maman pour se balancer avec Mickaël dans le fauteuil à bascule ; mais pas question d’y accueillir bébé !
….. « Et moi ? » de Mireille D’ALANCÉ
S’il n’y en a que pour bébé, alors Lolotte s’en va avec Nounours. Heureusement elle a des parents affectueux qui comprennent ses mouvements d’humeur.
o L’envie
….. « Pourquoi ? » de Nicolaï POPOV
Grenouille et Souris se disputent parce qu’ils veulent la même fleur et la jolie prairie devient un champ de bataille ravagé.
o L’intolérance
….. « La brouille » de Claude BOUJON
L’un écoute trop fort sa musique, l’autre laisse traîner des ordures, et c’est la brouille entre les lapins.
o La colère
….. « Grosse colère » de Mireille d’ALLANCÉ
Ça sort de Robert, c’est tout rouge, ça enfle, ça éclate, ça fait les 400 coups, mais quand ça s’en prend aux jouets de Robert… alors, c’est trop ! « Allez ouste, dans la boîte, et ne bouge plus ! »
….. « De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête » de Werner HOLZWARTH et Wolf ERLBRUCH
Avec une détermination infaillible, la petite taupe passe d’animal en animal jusqu’à trouver l’auteur du crime de lèse-majesté. Pour se venger de Charles-Henri, le chien du boucher, c’est crotte pour crotte !

Conflits de proximité
• Familles (parents, fratrie)
….. « Max et les Maximonstres » de Maurice SENDAK
Max fait bêtise sur bêtise, mais quand il répond à sa mère, il se retrouve au lit, privé de repas… et part s’affronter aux terribles monstres (qui l’agitent ?).
….. « Pas de bol ! » de Susie MORGENSTERN et Thérésa BRONN
« Ce n’est pas une histoire de bols, c’est une histoire de guerre » dit la maman de deux enfants qui se disputent un même bol au petit-déjeuner. Alors la maman excédée retourne un bol de céréales sur la tête des enfants !  Éducativement incorrect… mais très efficace pour calmer tout le monde !



….. « Le tunnel » d’Anthony BROWNE
Frère et sœur  toujours à se quereller. Le frère s’engage dans un long tunnel. Au terme d’un parcours où elle surmonte ses frayeurs, sa sœur le retrouve figé comme en pierre et lui redonne vie en le serrant dans ses bras. Dans cet album, l’imaginaire et le merveilleux libèrent l’affection bloquée entre les deus enfants.
….. « La porte ! » de Michaël ZEVEREN
« La porte ! » ce sont les seuls mots de tout l’album, criés par la fillette-cochon, excédée que tout le monde défile dans la salle de bains sans s’occuper d’elle.

• Camarades
….. « Loulou » de Grégoire SOLOTAREFF
Tom le petit lapin et Loulou le jeune loup ne savent rien de la haine qui devrait les animer, alors ils jouent ensemble à « Peur du lapin » et à « Peur du loup », jusqu’à ce que Loulou fasse vraiment trop peur à Tom. Alors Loulou s’en va…

• Voisins
….. « La brouille » de Claude BOUJON
« Deux casse-croûte qui se battent ! La chasse va être facile, dit le renard. »…
….. « L’intrus » de Claude BOUJON
« On a parfois besoin d’un plus gros que soi. » C’est la conclusion des ratinos qui avaient d’abord vu d’un très mauvais œil l’arrivée d’un éléphanteau comme voisin des plus « collants ». Jusqu’au jour où la grosse bête débarrasse la communauté de son ennemi héréditaire, un énorme serpent.
….. « Le balai magique » de Chris van ALLSBURG
En quoi ça peut bien gêner les voisins que la vieille veuve ait trouvé aide et réconfort grâce à l’arrivée inopinée d’un balai de sorcière déclassé (trop faiblard pour transporter les sorcières, mais pas pour faire les travaux ménagers)? Et il faudrait le brûler ? On se réjouit du tour que leur joue la vieille, pour préserver son droit à l’amitié et au bonheur.


Conflits très externes

• L’esclavage (pour les êtres humains), la domestication (pour les animaux)
….. « Maman me fait un toit » de Patrice FAVARO et Françoise MALAVAL
Capturé quand sa mère est tuée, l’éléphanteau raconte son existence captive, son dressage, sa vie à débarder jusqu’à ce que, dans sa vieillesse,  son cornac lui rende sa liberté.

• Les guerres
….  « 10 petits soldats » de Gilles RAPAPORT
Comme dans  « Les 10 Petits Nègres », les soldats disparaissent les uns après les autres pour des raisons diverses. Le dernier dépose fusil et tenue sans combattre.
….. « Flonflon et Musette » d’ELZBIETA
A la place du ruisseau, une haie d’épines a poussé dans le village entre les deux communautés en guerre. Mais pour continuer à jouer et à parler avec Flonflon, Musette fait un trou dans cette barrière.
….. « Madassa » de Michel SÉONNET et Cécile GEIGER
Dans la tête de Malassa, il y avait la guerre, les morts, la famille disparue, la faim, la peur. Les contes que lui lit sa maîtresse lui apportent des mots pour que s’expriment peu à peu ses souffrances. Avec la parole reconquise,  il revient à la vie.

• La pauvreté et ses conséquences, l’exclusion, l’émigration
….. « Petit-Gris » d’ d’ELZBIETA
« Quand il était petit, Petit-Gris attrapa la pauvreté. » Lui et ses parents étaient chassés de partout par des … « chasseurs ». Alors ils fabriquèrent un radeau et prirent la mer, toujours pourchassés. Mais Petit-Gris avait emmené une vielle éponge avec laquelle il effaça les chasseurs. « J’avais tout de suite vu que c’était une éponge magique", dit Petit-Gris à sa maman.
….. « Mon Papa Pirate » de Davide CALI et Maurazio A.C.QUARELLO
Quand il rentre chaque année au pays, Papa Pirate raconte à son garçon son équipage de marins-pirates, leurs hauts-faits sur leur bateau l’ « Espérance ». Mais un jour, le garçon et sa mère partent en urgence en Belgique où une explosion au fond d’une mine a gravement blessé le père. Alors, face à la réalité, le garçon en veut terriblement et durablement à son père de devoir renoncer à l’imaginaire héroïque. Mais un jour, il comprend.
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